Lancée au mois de mars, l’édition 2019 de la formation Facilit’Art élaborée par l’ONG TIPA va bon train et durera jusque fin octobre. L’objectif principal de cette formation ouverte aux éducateurs, professeurs et artistes est de développer chez ces participants, des acquis professionnels pour la mise sur pied d’activités artistiques dans un but bien précis : faire fleurir, via des méthodes de pédagogie interactive, des valeurs citoyennes chez les enfants ciblés, tout en les aidant à acquérir des compétences de vie essentielles à un développement sain.
Vendredi 22 mars dans les locaux de l’association TIPA : 25 participants, issus d’organisations travaillant au développement socio-éducatif d’enfants, assistent à la deuxième session de Facilit’Art 2019. L’introduction aux principes de pédagogie interactive, outil majeur de TIPA avec les enfants visés dans ses programmes, se fait par Angélique de la Hogue, Programme Manager en partance de l’association. Elle présente ce jour-là les trois axes principaux de la pédagogie interactive : l’environnement dans lequel l’enfant évolue (qui inclue les parents), l’éducateur qui le suit et l’enfant lui-même.
Au cours de cette première demi-journée, plusieurs séances de travail en groupe permettent aux participants de travailler sur ces axes (éducateur – parent et infrastructure – enfant) en mettant en lumière leurs besoins et les ressources dont chacun de ces axes dispose pour occasionner un développement sain chez les enfants suivis. Les comptes-rendus qui suivent font dès lors ressortir les pratiques en vigueur au sein des organisations participantes et leurs acquis respectifs en termes de relations établies avec les différents acteurs auprès desquels ils sont engagés depuis longtemps.
Par exemple, cette participante du groupe travaillant sur les besoins et ressources des parents, fait remonter son expérience auprès de parents d’enfants aux besoins spéciaux : « Quelquefois, nous notons une réticence des mamans à montrer des signes d’affection envers leurs enfants. Au fil du temps, nous avons compris que ces mamans font un blocage émotionnel lorsqu’elles réalisent que leurs enfants ne grandiront pas au même rythme que les autres. Ce n’est pas qu’elles n’aiment plus leur enfant, mais elles ont automatiquement fermé leurs sentiments ainsi que les rêves qu’elles avaient pour lui depuis sa naissance. Nous sommes alors chargés de débloquer ces sentiments afin de libérer, dans le même élan, la motivation des parents à s’impliquer auprès de nous dans le développement de leur enfant. »
Cette autre participante du groupe travaillant sur les infrastructures (qui fait partie de l’axe “environnement” de la pédagogie interactive) note l’importance d’une ligne de conduite commune des différents acteurs engagés pour créer un environnement propice à l’épanouissement de l’enfant : “Des toilettes propres dans une école par exemple sont un signe de respect envers l’enfant. Quand il voit le respect autour de lui, il l’imprime en lui et l’adopte. Mais des fois, cette démonstration du respect ne se fait pas. Par exemple, les enfants sont parfois défendus de toucher aux manuels dans les librairies scolaires de peur qu’ils ne les abîment !”
Aussi, renchérit Angélique de la Hogue, apprendre à comprendre les sources du comportement de l’enfant dit « à problèmes » est important si l’on veut cheminer avec lui vers un développement positif. « Par exemple, dans une des écoles où TIPA intervient, il y avait le cas d’un enfant qui ne tenait pas en place sur sa chaise. L’enseignant, souhaitant comprendre son attitude, s’est rendu chez lui dans l’objectif de parler à ses parents et il a réalisé qu’il n’y avait pas de chaise chez lui. L’enfant n’avait donc simplement jamais appris à s’assoir sur une chaise. »
Facilit’Art puise ainsi de la dynamique du partage de groupe et présente aux uns les meilleures pratiques des autres, en leur permettant de discuter et d’exposer leurs idées et leurs méthodes. L’« utilisation » du vécu réel et tangible des participants constitue la richesse des sessions Facilit’Art, indique Camille Sénèque, TIPA Training Coordinator. Aussi lors de visites terrain, l’équipe de TIPA constate comment est implémentée l’approche de pédagogie interactive au sein de chaque organisation et les difficultés auxquelles les participants font face dans la mise en œuvre des activités. Les informations notées lors de ces visites (comprises dans le programme Facilit’Art) et exposées lors de sessions dédiées servent également à nourrir les participants d’expériences réelles, mais aussi, permettent à TIPA d’améliorer son programme pour les prochaines fois.
« Une des informations qui étaient remontées lors des sessions de suivi étaient qu’il était difficile pour certains éducateurs d’avoir le soutien de la direction lors de la mise en pratique d’une nouvelle approche. Les éducateurs avaient suggéré que les responsables de centres participent à la formation Facilit’Art afin qu’ils comprennent la démarche de pédagogie interactive et soutiennent son incursion au sein des programmes. C’est ainsi que l’an dernier nous avons lancé deux “Workshop for managers”. Ceci a permis d’avoir un retour plus positif quant aux dispositions mises en place au sein des organisations respectives en vue d’accueillir le programme et faciliter son implémentation. »
La raison d’être de Facilit’Art
Rejoignant à tous les niveaux la vision de TIPA pour une société saine reposant sur des valeurs solides inculquées très tôt aux adultes de demain, la formation Facilit’Art, sur pied depuis 2011, n’a de cesse d’évoluer et de se réajuster. Important pour l’ONG de bien s’assurer que les participants reçoivent les outils adéquats pour une transmission réussie de ces valeurs citoyennes de base aux enfants visés ainsi qu’à leurs parents.
« Tout est pensé dans la formation pour tendre vers cet objectif », explique Camille Sénèque. « La formation Facilit’Art travaille avec le participant pour qu’il développe des capacités à mettre en place des activités artistiques, dans l’objectif de faire remonter les valeurs citoyennes de l’enfant sur un principe de pédagogie interactive. Ce qui comprend de faire en sorte que l’enfant devienne acteur de son apprentissage en évoluant aux côtés d’un éducateur à l’écoute des besoins de l’enfant, et dans un environnement qui est favorable à cet apprentissage. »
Et puisque le parent fait partie de cet environnement immédiat de l’enfant, « les sessions que nous avons avec l’éducateur consiste à voir comment celui-ci se positionne vis-à-vis de l’enfant et des parents d’élèves. Il s’agit ensuite de l’aider à accompagner au mieux l’enfant dans son apprentissage, et à améliorer la communication avec les parents afin de créer des liens et de construire ou consolider la collaboration éducateur-parents. »
Ceci est important dans la mesure où les participants sont conscients de leur limite d’intervention et du rôle essentiel que les parents ont à jouer en tant qu’acteurs du changement visé chez l’enfant dans les programmes et non en tant que bénéficiaires du programme. Il s’agit donc d’impliquer vraiment le parent, reconnaître ses ressources, le valoriser et développer une relation plus cordiale, explique encore Camille Sénèque.
Sous cette approche partagée à travers Facilit’Art, approche qui a fait ses preuves à TIPA avant que l’ONG décide de la partager avec d’autres personnes engagées dans le travail avec les enfants, les activités artistiques sont le sommet de l’iceberg ; le moyen utilisé pour travailler en profondeur avec l’enfant et son environnement immédiat. En engageant la participation d’un enfant à une activité artistique dans laquelle chaque étape a une valeur pédagogique, l’objectif à atteindre est, non pas d’amener l’enfant à faire un beau dessin (le résultat), mais de lui permettre de s’exprimer à travers l’Art et à se développer sur le plan social et cognitif (le processus).
« Ceci implique la manière d’aborder avec l’enfant l’activité en question, de l’engager dans les différentes étapes et d’encourager sa participation active, et va jusqu’à une évaluation de l’activité par l’éducateur en vue de l’amélioration de sa pratique pédagogique, et même une auto-évaluation de l’enfant qui identifie lui-même les manières de progresser dans l’activité. En plus d’aider l’enfant à acquérir des compétences de vie essentielles à son développement, la pédagogie interactive implique, pour l’éducateur, surtout de comprendre comment les axes enfant – environnement – éducateur sont liés et s’influencent, afin d’orienter sa pratique professionnelle pour impacter positivement l’enfant et l’accompagner au mieux dans son apprentissage. »
Le feedback des participants 2018
Par rapport à la session de l’an dernier, les participants 2018 ont souligné que les nouvelles techniques artistiques apprises les ont non-seulement inspiré à planifier des activités adaptées aux enfants avec lesquels ils travaillent mais que les sessions sur la connaissance de soi et la communication les ont aidés sur le plan personnel. Ils ont aussi remarqué que les réflexions collectives et individuelles les ont amenés à identifier les forces et faiblesses de leurs approches.
A propos de l’édition 2019
Si la formation s’est tenue l’an dernier sur 23 jours, l’édition 2019 comprend des ateliers de 29 jours étalés entre les mois de mars et octobre. Les sessions additionnelles de cette année incluent des présentations d’activités artistiques planifiées par les éducateurs en vue des visites de terrain.
Les sessions prévues les semaines et mois à venir seront centrées sur la collaboration entre les éducateurs et les parents ainsi que le soutien aux participants pour le développement d’activités cadrant avec leurs organisations et leurs services et objectifs respectifs. Ces sessions sur les parents verront la participation d’intervenants externes, notamment celle du consultant Bernard d’Argent qui interviendra sur le rôle des parents, la psychosociologue Mélanie Vigier de Latour – Bérenger qui interviendra sur les enjeux de la communication ou le Meta coach Bruneau Woomed qui évoquera la culture et l’importance de la notion de feedback.
Les thèmes abordés : la pédagogie interactive, l’exploration de techniques artistiques, le développement personnel et la remise en question des pratiques professionnelles actuelles, l’élaboration d’outils d’évaluation (pour l’évaluation des activités et l’auto-évaluation de l’enfant), le positionnement de l’éducateur (son rôle et ses responsabilités dans l’accompagnement de l’enfant), les outils de communication pour favoriser la collaboration et donner de la valeur à l’enfant, la mise en place d’une exposition, l’encouragement de la participation des enfants et de leurs parents.
Source: https://www.actogether.mu/fr/actus/2019/la-methode-de-tipa-partagee-sous-la-formation-facilit-art