L’Ong Terrain For Interactive Pedagogy Through Arts (Tipa) a permis, à travers son programme 2021-2024, de révéler le potentiel qui sommeille non seulement en chaque enfant, mais aussi chez les mamans. Le Mauricien a interrogé six d’entre elles.
Grâce à des ateliers de travail privilégiant des outils autour des réalisations artistiques, Tipa a aidé des enfants à connaître leurs droits et leurs responsabilités. Elle a aussi permis à leurs mères de participer à ces ateliers pour les aider à traverser des étapes de leur vie.
Lancée en 2007, par Émilie Carosin et Angélique de Lahogue avec pour mission première d’œuvrer au développement des enfants en situation vulnérable, Tipa n’a pas failli à sa mission depuis. L’idée était de permettre aux enfants de développer leur confiance, et surtout de partager leurs opinions à travers l’art notamment, une forme visuelle qui se révèle être une bonne pédagogie interactive avec des enseignants formés qui s’engagent auprès d’eux pour les aider à s’épanouir. Il y a dans la démarche de TIPA une vraie leçon de vie, le personnel et les parents travaillant ensemble pour aider à créer un environnement plus proactif et propice à l’apprentissage de l’enfant.
Comme l’explique Michaël Rabot, Fundraising et Communication Coordinator, les enfants vivant dans la pauvreté ont besoin que l’enseignant soit la personne qui croit en eux et entretienne des relations fiables et positives. « Le fait de se concentrer sur les forces et non sur les déficits contribue de manière significative à la santé et à la réussite scolaire d’un enfant. Chez Tipa, on a aussi constaté que le maintien des relations avec les familles et les communautés au fil du temps était tout aussi important pour maintenir une attitude positive. Il est nécessaire non seulement d’assurer l’enfant de son importance, mais aussi d’apprécier ce que les familles savent et peuvent faire. »
D’où la participation des mamans et leur capacité d’agir auprès de leurs enfants. Ces dernières sont appelées à s’impliquer dans le travail effectué par leur progéniture et de les encourager, une fois à la maison, à mettre en pratique les activités apprises.
« Un manque de financement »
Selon Michaël Rabot, les animateurs de Tipa collaborent avec des professeurs des écoles ZEP pour développer et mettre en place des activités artistiques. À travers l’art, les enfants ont la possibilité de développer des valeurs citoyennes comme le respect, l’écoute. Il y a aussi dans cette démarche le soutien aux professeurs pour valoriser la réussite de chacun de ses élèves.
Nathalie Philogène, coordinatrice de terrain, est d’avis que le droit d’un enfant ne doit aucunement être lésé, et que les activités artistiques sont un moyen d’enclencher une prise de conscience de leur droit. « Nous avons eu un bon “feedback” des parents lors du club des parents à l’école qui parlent de cette facilité d’échanges entre eux et leurs enfants. Un des plus grands rêves de ces mamans est d’avoir un van scolaire à leur disposition pour pouvoir toucher les autres enfants d’autres régions éloignés. Tipa ena plin vizion, me mank finansman. On accompagne les mamans dans le programme 2021-2024 et on espère qu’elles vont bénéficier de l’aide pour pouvoir mettre en place leur joli projet. »
La parole aux mères
Avis que partagent six autres mères. Loana Momus dit avoir développé une confiance en elle après des cours artistiques chez Tipa. « Je ne savais pas comment gérer mes émotions. Aujourd’hui, au lieu de perdre le contrôle, j’arrive à dialoguer avec mon enfant, à avoir de la patience et surtout à aller vers le lâcher-prise. » Grâce à ces temps d’échange et de partage sur les défis de la parentalité, Christele Adélaïde a mieux appris à assumer son rôle de mère. « On est un groupe de mamans Tipa sur WhatsApp. J’ai appris à dessiner et je conçois que cela aide beaucoup le rapprochement entre mon enfant et moi. Le visuel, le ressenti qui se dégage d’un dessin est une expression forte et cela m’aide énormément à mieux comprendre mon enfant. »
Pour sa part, Josique Fineau indique : « A Tranquebar, il y a beaucoup d’écoles défavorisées, on ne peut pas s’arrêter à cette image, il faut une formation et aussi une forme de confiance en soi pour mieux encadrer son enfant et le sensibiliser à ses droits, ses responsabilités et ses valeurs. »
Diana Mark parle, elle, de l’enrichissement qui découle des activités artistiques. Alors que Lolita Pierre évoque sa fierté : « Ce que j’apprends, je suis capable de le transmettre à mon enfant. Le fait de se regrouper entre mamans pour la formation favorise des échanges entre nous sur la manière de mieux les encadrer. » Juanita Perle, elle, est ravie de pouvoir entraîner toute sa famille à s’exercer sur ce qu’elle a appris. « C’est une forme de partage et une façon de changer le regard des autres. Souvent, on ignore comment recadrer un adolescent, l’empêcher de tomber dans la violence. Il y a la façon de regarder une personne qui peut aussi être interprétée comme une forme de violence. Chez Tipa, on a appris à aller au-delà de nos capacités. C’est une méthode qui sert pour la vie. »
Michaël Rabot évoque, pour sa part, la participation de Miss Razia, professeur de Grade 5, à l’école Nicolay. « C’est une boule d’énergie. Elle propose des idées sur la manière dont l’enfant peut mieux communiquer. Elle ne fait pas la classe comme les autres profs. Elle dit : “J’emmène mes enfants pour les faire observer les plantes.” Et par rapport aux classes de créativité, ces mêmes enfants vont redessiner ce qu’ils ont appris. »
Autre point fort souligné par Michaël Rabot : « Il y a deux ans, l’école Nicolay avait un taux de réussite de 0% qui est passé à 39%. Il y a eu un travail en amont pour enseigner de façon ludique, pédagogique, créative et qui permet aussi à un enfant issu d’un milieu vulnérable, et qui a mal débuté sa scolarisation par rapport au contexte socio-économique dans lequel il vit, de se tourner vers l’art qui lui permet de s’exprimer et de s’épanouir. »
Selon Michaël Rabot, l’apport des professeurs qui s’impliquent dans l’éducation de leurs élèves est fort appréciable. Actuellement, Tipa travaille avec six professeurs des écoles Nicolay, Briquetterie et Pointe-aux-Sables avec pour objectif d’établir un calendrier s’échelonnant sur l’année portant sur diverses thématiques que les profs vont inclure dans leur curriculum. « Ce travail au final apporte une meilleure compréhension à l’enfant car les langues peuvent être une barrière pour eux. Avec les vidéos, des images aident l’enfant à être plus créatifs. »
Les 25 et 26 mai, une journée portes ouvertes a eu lieu dans les locaux de Tipa, à Saint-Pierre, les Kocottes qui ont attiré 90 personnes sur invitation et qui ont permis aux personnes présentes de découvrir les ateliers artistiques des enfants et des mamans. « On aimerait toucher encore plus d’enfants, de mamans, de profs. À ce jour, Tipa a sensibilisé plus de 2 000 enfants dans dix écoles ZEP des régions de Tranquebar, Vallijee, Pointe-aux-Sables, Briquetterie, Nicolay, Barkly, Plaisance. Et d’ici la fin de l’année, Tipa espère toucher encore plus d’enfants et leurs mamans. »
Un des vœux formulés par Michaël Rabot est que Tipa devienne plus autonome et offre le même atelier artistique à des parents qui peuvent payer. Cela générerait ainsi de l’argent qui servira aux activités de Tipa. Malgré tous les soucis économiques auxquels fait face la société, Tipa essaie de trouver des solutions pour compléter son programme. « On croit dans notre projet et on remercie le ministère de l’Éducation et nos partenaires financiers qui nous suivent depuis 15 ans. »